Arriver à San Daniele del Friuli,
c’est d’abord une sensation. Quelque part entre les Alpes
carniques et l’Adriatique, les paysages sont fait de collines, de
forêts, et d’un territoire qui semble naturellement à sa
place. Les forêts s’accrochent aux pentes, et, l’air circule
comme s’il connaissait parfaitement son rôle.
San Daniele est une ville à taille
humaine, où l’histoire se lit dans les pierres autant que dans les
vitrines des charcuteries.
La visite de la
bibliothèque Guarneriana,
avec ses manuscrits et ses volumes anciens, me rappelle que la
culture du lieu ne se limite pas à la gastronomie. Ici, le temps
long est une valeur partagée, presque revendiquée.
Ce temps long, je le retrouve
évidemment dans le Prosciutto di San Daniele AOP. Lors de la visite
des ateliers, je mesure à quel point la transformation reste
volontairement sobre.
Peu d’ingrédients, peu d’interventions,
mais une succession de gestes précis, encadrés, répétés. Le
jambon n’est jamais pressé. C’est lui qui impose son rythme, pas
l’inverse.
Côté table, un détour par la Carnia
s’impose. À Indiniò, Gloria Clama propose une cuisine
gastronomique épurée, précise, profondément liée à la saison et
au paysage, où chaque assiette cherche l’équilibre plutôt que
l’effet.
À San Daniele, l’Osteria di Tancredi propose une
cuisine frioulane chaleureuse, ancrée dans les produits locaux, où
tradition et créativité avancent tranquillement ensemble.
Les dégustations, qu’elles soient
improvisées autour d’une table ou plus cadrées lors de la
masterclass sensorielle, confirment ce que je pressentais dès la
première tranche : une douceur étonnante, un équilibre subtil, un
gras fond naturellement en bouche.
C'est un jambon qui parle
doucement, mais longtemps.
Ce voyage n’est pourtant pas
uniquement tourné vers le passé.
Les rencontres avec le Consortium
me montrent une filière consciente de ses responsabilités. À San
Daniele, on ne se contente pas de protéger une tradition, on la
questionne. Comment produire mieux ? Comment réduire l’impact
environnemental sans trahir le produit ? Comment rester fidèle à un
territoire fragile ?
La réponse passe par des choix
concrets. L’usine de récupération des
déchets salins, unique en
Europe, en est un exemple frappant.
Le sel et les
saumures, autrefois
considérés comme des résidus, sont aujourd’hui traités,
régénérés et réutilisés.
Une boucle vertueuse, discrète mais
essentielle qui s'inscrit dans un projet européen
Même logique lors du déjeuner autour
du «
pain durable », né de l’idée de transformer l’écorce
d’arbres abattus par la
tempête Vaia en ingrédient. Ici, rien
n’est anecdotique : chaque projet raconte une volonté de faire
autrement, sans discours inutile.
San Daniele ne cherche pas à
impressionner.
Le jambon n’a pas besoin d’en faire trop, et le
territoire non plus. Tout est à sa place, sans forcer. En repartant,
je n’ai pas l’impression d’avoir assisté à une démonstration,
mais plutôt d’avoir compris comment un produit peut rester fidèle
à lui-même tout en acceptant de se remettre en question. Et
aujourd’hui, ce n’est déjà pas si courant.
Mais pourquoi, j'espère vite retourner par là-bas... est-ce que je vous raconte ça...
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