Quand Catherine Flohic m'a mis ce livre entre les mains pour la première fois, je l'ai d'abord soupesé un peu comme je fais avec les melons pour imaginer ce qu'ils ont dans le ventre, sans trop savoir finalement à quoi ça sert quand c'est un melon, de toute manière bon ou mauvais je ne les mange jamais... Et puis j'ai passé mes doigts dessus un peu comme j'aime le faire quand j'achète un de ces gros poissons entier, un coup en avant pour sentir sa douceur, un coup en arrière pour sentir les écailles se retourner sous mon doigt… là je n'ai senti que la douceur du papier. Et puis je me suis retenu de le renifler…
Je me suis rendu compte à ce moment-là que je ne savais plus comment on faisait avec un livre, avec un livre qui n'était pas gavé de recettes du début à la fin, avec un livre qui n'a rien à voir avec un aliment cuisinable.
Depuis des années je ne lis plus. Depuis des années je ne fais que survoler des recettes, encore des recettes, toujours des recettes…
Quand je suis rentré chez moi, je me suis assis le livre sur les genoux et avant de l'ouvrir je me suis demandé ce que je savais de Pierre Gagnaire, de lui, de sa cuisine ou ce que je pouvais en imaginer…
Pierre Gagnaire chef légèrement barbu et… et… c'est tout ce qui est venu, à peine le nom d'un restaurant, à peine le souvenir de quelques recettes glanées dans les Epicuriennes, une revue disparue trop vite… et quoi d'autre ? rien… rien de rien…
J'étais un peu dans la position du passionné de vélo à qui ont aurait jeté un nom, tient Miguel Indurain par exemple, et qui serait juste contenter de dire… espagnol qui a fait du vélo… Et rien sur la Espada, son vélo, comme une épée avec laquelle il a tranché les records, rien sur sa manière de monter les côtes du Tour, rivé sur son guidon, accélérant le train jusqu'à l'écœurement de tous les autres… rien d'autre sur le Navarrais, ni sur son histoire… mais je m'emballe… J'étais comme ce passionné de vélo aphone de la mémoire devant Pierre Gagnaire.
Alors j'ai essayé d'imaginer, la passion, le combat, les années accumulées, l'installation… comme une autoroute et puis j'ai enfin ouvert le livre.
Et je me suis fait happer par ce livre où rien ne se passe comme je l'avais imaginé… Je n'ai pas retrouvé la simple entrée, plat, dessert auquel je m'attendais…
Par contre en entrant dans ce livre j'ai retrouvé le plaisir de lire, de lire vraiment, de me laisser prendre comme par le roman inattendu de cette vie qui s'est révélée telle que je ne l'imaginais pas.
L'histoire vous prend lors de l'enfance de Pierre Gagnaire, une enfance qui semble toute tracée pour installer le cuisinier dans un avenir sans choix… Et pourtant le doute apparait déjà ainsi que les premières questions, l'envie est interrogée par Catherine Flohic et les réponses de Pierre Gagnaire montrent bien des interrogations et des doutes. Rien n'est aussi simple que ça pourrait l'être… Et l'intervieweuse ne va pas arrêter de creuser tout au long de l'ouvrage dans l'intimité de l'homme pour révéler ce qu'est vraiment le cuisinier.
Tout le livre se poursuit ainsi à la recherche du Pierre Gagnaire des petits chemins de celui des doutes et des incertitudes, des recherches et des tâtonnements mais aussi des révélations et des certitudes en devenir. Jusqu'à ce qu'il arrive à ce principe qui le guide, le principe d'émotions qui donne son titre à l'ouvrage.
Alors si vous voulez, vous aussi, suivre ce voyage fait de partage et d'échange sur lequel nous entraînent Pierre Gagnaire et Catherine Flohic, n'hésitez pas à découvrir ce livre qui est tout sauf un menu bien établi et une table sans surprises, mais comme une carte blanche donnée au principe qui préside à ce livre, un principe d'émotions.
Et si je ne vous ai pas encore convaincu de prendre entre vos mains ce livre, de le soupeser, de le caresser, peut-être de le renifler et finalement de le lire, regardez les photos de François Flohic qui illustrent cet article et le livre, et laissez vous prendre par ce qui les habite et qui tient aussi à ce principe d'émotions, si bien attrapé par l'œil du photographe…
Un principe d'émotions, de Pierre Gagnaire et Catherine Flohic aux éditions Argol
Ouvrage offert
Mais pourquoi, bon et maintenant il faudrait peut-être que je rajoute quelques lignes à ce curieux texte commençant par… La boucherie chevaline était ouverte le lundi… est-ce que je vous raconte ça…
Bonjour, j'aime beaucoup votre blog, je viens de lancer mon blog culinaire: lesgourmandisesdepaul.blogspot.com
RépondreSupprimerMerci