jeudi 12 novembre 2015

La fin de l’année approche, il est temps de penser aux réjouissances prochaines et à ce que nous allons y boire. Et si nous allions faire un tour en Champagne ?

Aujourd'hui comme d'autres fois ce n'est pas moi qui tiens la plume mais Pascale qui a joué les Tintin reporter et avec qui vous allez voyager et apprendre bien des choses... Direction donc la Champagne !
Comme je suis allée visiter les caves de Besserat de Bellefon à Epernay, j’ai des choses passionnantes à vous raconter !
On se contente parfois de considérer ce vin prestigieux comme le symbole d’un moment festif, l’accompagnement des apéritifs ou des desserts de fête, qu’on boit sans vraiment y prêter attention, sans prendre le temps de lui accorder l’attention qu’il mérite.
Je pense que le Champagne, c’est bien plus que cela. En plus j’adore ça. Alors, j’ai envie de vous faire partager ma passion pour ce vrai grand vin, qui peut accompagner tout un repas si on choisit bien ses accords.
Et pour illustrer avec faste cette petite exploration, je vais vous parler plus particulièrement de la Cuvée des Moines de la maison Besserat de Bellefon, découverte avec bonheur récemment! J’ai passé une journée entière à découvrir le domaine à Epernay, dans la Vallée de la Marne.
La Champagne c’est où ?
Le vignoble se situe surtout en Champagne-Ardennes, en Marne, Aisne et Haute-Marne, mais aussi sur les départements voisins de l’Aube et de la Seine-et-Marne.
La Champagne viticole c’est une mosaïque de 324 villages, des parcelles assez petites, la moyenne est de 18 ares. Circuler dans la campagne champenoise, c’est laisser le regard se perdre sur ces collines à perte de vue, le moindre coteau de ce magnifique océan d’or vert étant couvert de vignes.
Parmi les villages qui se blottissent au pied des collines, 17 sont classés grands crus et 44 premiers crus, qui sont privilégiés pour les Cuvées de Moines. Besserat de Bellefon achète son raisin auprès des vignerons de 320 villages de Champagne. Les Chardonnay, pour le Blanc de Blanc en particulier, sont 100% issus de grands crus.
Le terroir est divisé en 4 grandes régions : la montagne de Reims et la Vallée de la Marne, où sont élevés les Champagnes les plus prestigieux (et les plus chers), la côte des Blancs, et plus au sud, sur le département de l’Aube et de la Haute-Marne, la côte des Bars.
Dans une région où le climat est difficile, entre les gelées qui peuvent surprendre même en début de printemps, les orages retenus par le relief, l’humidité, un ensoleillement beaucoup moins généreux que dans les autres grandes régions viticoles, bref, froid et humide, mais parfois il fait aussi très chaud, on craint alors le stress hydrique, le manque d’eau qui peut faire tomber les feuilles et affecter la maturation du raisin… je salue l’imagination et la ténacité des vignerons, œnologues, qui ont réussi à faire de ces terres un vrai trésor !
Quand on est face à l’immensité du vignoble, on peut imaginer que selon l’exposition, le terroir, qui passe d’argilo-marneux à calcaire, avec des variantes subtiles, chaque cépage peut donner des jus très différents.
Quels sont les cépages autorisés en Champagne ?
Les arguments dont ils disposent, ce sont principalement trois cépages : deux noirs à jus blanc, le pinot noir et le pinot meunier et un cépage blanc, le Chardonnay.
J’ai appris en discutant avec les vignerons qu’il existe aussi d’anciens cépages très minoritaires : l’arbane, le petit meslier, le pinot blanc et le pinot gris (tous à raisins blancs) qui ont été abandonnés pour des raisons de rendement, de maturité difficile à concilier ou de goût peu adapté à celui des consommateurs, mais que certains vignerons cultivent encore. Ils représentent une infime partie du vignoble, mais sont autorisés dans l’appellation Champagne.
Dans la Vallée de la Marne, et donc chez Besserat de Bellefon, le cépage roi, c’est le pinot meunier, mon préféré ! Il est assez proche du pinot noir mais avec plus de fruité, de rondeur, il se décline sur une multitude de notes et donne des arômes secondaires super sympas, je trouve, ce qui fait qu’il peut accompagner tout un repas !
Comme j’avais l’air de m’intéresser à tout ça, me voilà dans les vignes avec mon seau, un sécateur et des gants -sécurité oblige ! - je me suis fait embaucher pendant un bref instant, juste pour la photo. J’avoue que je n’étais vraiment pas aussi efficace que les cueilleurs à l’ouvrage sur les rangées de meunier, toujours, à perte de vue !
Comment est né le Champagne ?
C’est en 1670 que Dom Pérignon, un moine de l’abbaye d’Hautvillers, se voit confier la tâche, plutôt sympathique, de gérer dix hectares de vigne, fruits de la dîme des seigneuries voisines. Goûteur hors pair, il s’avère grand œnologue, capable de déceler en goûtant un raisin le canton qui l’avait produit. La légende lui prête l’invention du Champagne, ce qui n’est pas tout à fait vrai : son vrai mérite est d’être le premier à assembler différents cépages, différents crus pour améliorer la qualité du vin et en faire disparaître certains défauts.
Il voyage pour parfaire son savoir et c’est en visite en Languedoc qu’il découvre la méthode de vinification effervescente des vins de Limoux. Aussitôt rentré à Hautvilliers, il expérimente cette technique sur les vins de Champagne, avec le succès que l’on connaît. La légende lui prête l’invention du bouchon de liège, maintenu par une ficelle de chanvre huilée, le renforcement de la bouteille par un verre plus épais pour éviter les explosions… mais tout cela reste très empirique, et résulte probablement du travail de différents acteurs, jusqu’à ceux de Pasteur sur la fermentation au XIXème siècle.
Mais comment fait-on le Champagne ?
C’est un peu complexe, il faut ce qu’il faut, mais passionnant !
Aujourd’hui, le principe de la vinification du Champagne est la double fermentation du moût (le jus après pressage), la première en cuves et la deuxième en bouteilles.
D'abord, on presse !
Ce pressoir traditionnel m’a impressionnée ! A l’ancienne, il peut presser 4000 kg de raisins, en 5 à 7 passages : selon la quantité d’eau que contient le raisin, il sera plus ou moins facile à presser.
Entre deux passages, il est remué, à la pelle. Délicatement, attention ! Ici, on manipule le Meunier, cépage roi de la maison, qui apporte la rondeur et le fruité aux différentes cuvées. Sauf le Blanc de Blanc, bien sûr.
Puis c’est la première fermentation, en cuves.
Pour certaines cuvées de prestige, la première fermentation se fait en bois.
Après la première fermentation, on procède parfois à une fermentation malolactique, où l’acide malique se transforme en acide lactique, par l’intervention de bactéries, ce qui a pour effet de limiter l’acidité.
Chez Besserat de Bellefon, on ne fait pas de fermentation malolactique pour préserver la fraîcheur du vin et donc sa vivacité.
On procède ensuite à l’assemblage des un, deux ou trois cépages, de crus et de terroirs différents, selon le résultat désiré par les œnologues et des chefs de caves, un vrai puzzle qui demande une connaissance experte des différentes cuvées de réserve conservées dans les caves.
Puis diverses manipulations pour prévenir le « gerbage » qui fait perdre du vin au débouchage, l’ajout de liqueur de tirage, et c’est parti pour la deuxième fermentation en bouteilles, avec des bouchons en plastique appelés « bidules » et fixés par des capsules comme celles de la bière.
Cette deuxième fermentation, en caves profondes, dure au minimum un an, trois ans pour les millésimés.
Chez Besserat de Bellefon, comme il n’y a pas eu de fermentation malolactique, (pour ceux qui suivent) ce vieillissement va durer beaucoup plus longtemps (5 ans !!!) pour apporter la complexité et en faire des vins de garde.
Ensuite, on procède au « remuage » pour décoller de la bouteille les lies qui se sont formées pendant le vieillissement. Les bouteilles sont placées la tête en bas et tournées, d’un quart de tour tous les jours, à la main au début, mais le plus souvent mécaniquement de nos jours.
Au bout de deux mois, les lies se sont rassemblées contre la capsule.
On place alors les goulots dans un bain de saumure à -25°, ce qui va figer le dépôt dans un glaçon. On ôte alors la capsule et le glaçon et son dépôt sont expulsées par les gaz, c’est le dégorgement. Le volume perdu est remplacé par la liqueur d’expédition, un mélange de vins vieux et de sucre qui constitue le secret bien gardé de chaque vigneron et qui donne sa spécificité à ses cuvées.
C’est le dosage de sucre dans la liqueur d’expédition qui fait que chaque Champagne sera brut, sec ou demi-sec.
Chez Besserat, l’Extra Brut, sur une base 2007, est très peu dosé, c'est-à-dire que la liqueur d’expédition qui doit comporter au maximum 6 g de dosage pour un extra-brut, n’en contient que 3 grammes et demi ici. Cela en fait un champagne de grand caractère, aux arômes iodés et fumés, qui s’allie magnifiquement avec des plats de poissons typés, qu’ils soient dégustés chauds ou froids.
Pourquoi n’y a-t-il généralement pas d’indication de millésime sur les bouteilles de Champagne ?
L’AOC champagne est la seule en France à avoir le droit de mélanger des cuvées de plusieurs millésimes, c’est pourquoi la plupart des Champagne n’ont pas d’indication d’année. Les vins de réserve, conservés en cave et parfois déjà assemblés, sont savamment dosés pour créer une qualité suivie attendue par les consommateurs.
Quand les conditions météo annoncent une année exceptionnelle, il arrive que l’on prévoie de réserver la récolte pour un vin millésimé, qui sera une cuvée à part, exceptionnelle, dans la production de la maison.
Chez Besserat de Bellefon, la cuvée des Moines a présenté en 2007 son premier millésime 2000, puis une nouvelle en 2002. Ces bruts millésimés sont élaborés principalement à partir de grands crus et premiers crus ; ce sont donc des vins plus riches, plus puissants, qui développent des arômes secondaires, à l’instar de vins « tranquilles » (sans bulles). Ce sont plus des vins de repas.
Le saviez-vous ?
Les vins rosés et rouges tirent leur couleur des peaux qu’on laisse macérer un certain temps au moment de la première fermentation. C’est comme ça qu’on peut faire du vin blanc avec des raisins noirs, il suffit de ne pas laisser les peaux au contact des jus, so simple !
Blanc de blanc, blanc de noir, qu’est-ce que c’est ?
Un champagne étiqueté blanc de blanc est exclusivement composé de raisin blanc, donc 100% chardonnay. Le Blanc de Blanc de la Cuvée des Moines a été mon préféré lors de ces dégustations ! Il allie des arômes acidulés d’agrumes à l’élégance de fleurs blanches dans un accord total où aucun ne prend le pas sur l’autre. On a l’impression au contraire qu’ils s’allient dans une harmonie parfaite qui là encore appelle l’accompagnement d’un repas aérien !
Un champagne blanc de noir (surprenant comme appellation au premier abord) est un jus blanc à base de pinot noir ou de pinot meunier, ou d’un assemblage des deux, sans macération des peaux.
Si on fait macérer les peaux, on obtient du rosé, vu qu’il n’y a pas de pétillant rouge en Champagne. Il y en a très peu en France d’ailleurs.
Le terroir, principalement argilo-calcaire et marneux, n’était pas le plus simple à mettre en valeur non plus ! Il en a fallu du savoir faire et de l‘inventivité pour en tirer d’aussi subtiles nuances ! La Côte des Blancs, où la craie affleure, est principalement plantée de Chardonnay, le seul cépage blanc de Champagne, il y puise de la vivacité, l’élégance et la délicatesse des fleurs blanches. Sur la montagne de Reims, la craie est plus profondément enfouie, et c’est le pinot noir qui règne en maître ; les coteaux sont exposés au sud, et les jus seront ici plus charpentés, plus puissants.
Comment commence l’aventure Besserat de Bellefon ?
La maison est fondée en 1843, mais c’est en 1930 qu’un défi est lancé à Victor Besserat par le Directeur du Restaurant La Samaritaine de Luxe : « Préparez-moi un vin de champagne suffisamment onctueux pour accompagner tout un repas et je vous en commanderai 1 000 bouteilles au lieu de 100... »
C’est ainsi que naquit la Cuvée des Moines, sur un défi remporté haut la main, et qui en a fait le partenaire de la Haute Gastronomie.
En utilisant moins de liqueur de tirage, la prise de mousse est plus légère, ce qui a été validé scientifiquement par Gérard Ligier Bel-Air, spécialiste mondial de la bulle, qui confirme que le Champagne Besserat de Bellefon a une bulle 30% plus fine qu’une bulle ordinaire.
Cette légèreté et cette finesse se sentent vraiment à la dégustation et lui donnent une saveur crémeuse, c’est paradisiaque !
Si vous n’avez pas de détermination arrêtée pour les fêtes, je vous conseille vraiment de tenter la dégustation d’une de ces bouteilles, je suis à peu près certaine que le plaisir ressenti vous entraînera vers les autres, sans doute durablement.
Et si vous êtes un fidèle inconditionnel d’une autre maison prestigieuse, essayez quand même, et on en reparle ?
Bonnes fêtes !

Mais pourquoi, vivement le prochain article de Pascale ! Est-ce que je vous raconte ça...

1 commentaire:

  1. Merci d'avoir rappelé la visite de Dom Pérignon à Limoux, pas de Carcassonne où j'agite ! On en a un peu marre d'entendre toujours : "le champagne, premier vin effervescent de France" ! Mon œil !

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